17 octobre 2010
Notre première idée était de passer une seconde nuit au CABO DE LA VELA et de partir tôt le lendemain, mais nous décidons de quitter après le souper lorsque nous voyons que le vent se lève; voilà l’occasion de faire quelques belles heures de navigation à voiles avant que le vent ne tombe complètement. Notre route se dessine tranquillement : nous ne planifions pas vraiment d’escale avant Cartagène, car nous naviguons seuls et les mouillages possibles sont réputés peu sécuritaires.
Navigation voiles en ciseaux par vent arrière.
Depuis notre départ de Curaçao, nous avons droit à des ciels assez menaçants par moment. Beaucoup de zones orageuses autour de nous.
18 octobre 2010
Ça fait maintenant presque 24 heures que nous avons quitté le CABO DE LA VELA; nos belles heures de voile se sont limitées à notre dernière nuit, puisque nous avons le vent dans le pif depuis quelques heures. Le vent demeure faible malgré qu’il forcit en fin d’après-midi, mais notre météo indique que ce n’est que de courte durée.
Tout va bien à bord, nous longeons la région des Five Bays où de hauts sommets se jettent dans la mer; malgré les nuages, le paysage est superbe.
Et voilà qu’en l’espace de quelques minutes, tout bascule! Nous remarquons un drôle de bruit que font les barres à roue sous pilote automatique. Ghis va voir à la base du pilote dans le coffre derrière les cabines arrière du bateau. Il revient en catastrophe! Soulève le couvercle qui recouvre notre mèche du safran (ce couvercle est situé juste derrière les barres à roue). Désastre, la mèche du safran a descendu d’environ 6 pouces. Par le fait même, une importante quantité d'eau entre à bord (nous estimons à 4 litres/minute). La situation est donc très critique.
Je ne comprends pas toute l’ampleur de la situation et j’ai peine à y croire, mais je vois mon capitaine très anxieux. Ghis me dit alors que nous risquons de perdre notre safran (gouvernail), dans ce cas, MYRIAM coule à pic et ce, rapidement… Notre mèche ne tient plus qu’à un fil, elle est maintenue suspendue au cylindre du pilote hydraulique. Vite, il appelle l’équipage de Chenou qui se trouve à environ 25 milles de nous. Ils n’hésitent pas à changer leur route et mettre plein moteur pour se diriger vers nous. Et Ghis me dit, la voix tremblante, qu’il a écrit à nos parents pour les aviser que MYRIAM est en situation d’urgence; il a aussi avisé Mme Nicole du Réseau du Capitaine qui se fait très présente par ses courriels et son assistance via la radio BLU dans les heures qui suivent. Je réalise donc que c’est sérieux. Nous avons du mal à garder notre calme devant les enfants. Nous les mettons au lit; ils sentent notre détresse. Nous devons nous ressaisir; Robert (Chenou) réussi à nous transmettre son calme et son sang froid; nous faisons contact radio avec lui toutes les heures.
Alors que nous avions décidé de filer directement vers Cartagène, nous décidons de nous arrêter au port le plus proche, soit à la marina de Santa Martha a 18 milles d'où nous nous trouvons, car notre situation est très précaire et Cartagène est encore trop loin. Ce fût 18 milles très très longs... Impossible d'utiliser notre pilote, Ghis et moi nous relayons aux 15 minutes pour barrer le bateau. Nous avons l'impression que notre barre a roue est en porcelaine et que tout peut céder à chaque mouvement. Entre temps, nous préparons tout notre matériel d'urgence au cas où nous devrions quitter MYRIAM... Difficile à imaginer et pourtant, il le faut. Nous sommes menés par l’espoir; nous avons enchaîné les milles l'un après l'autre le plus calmement possible. Il a fallu diminuer le régime du moteur au minimum afin de ne pas trop solliciter notre gouvernail. En plus, nous avions un bon courant dans le pif. Il faut aussi préciser qu'à ce moment, nous naviguions à moteur, puisque le vent venait de tomber (une chance!). Nous avons longé la côte le plus possible. Nous savions que nos vies n'étaient pas en danger, puisque nous étions près de la civilisation; s’il le fallait, nous mettrions le zodiac a l'eau ainsi que le radeau de survie avec notre matériel prioritaire et nous gagnerions rapidement la côte.
Puis, vers minuit, nous sommes enfin arrivés à Santa Martha. Comme nous ne savions pas où était la marina qui était nouvelle, nous nous sommes ancrés au fond d'une baie et nous nous sommes dits : nous irons voir en zodiac, l’important est d’arriver! Des dauphins ont sauté juste devant moi lorsque je me préparais à jeter l'ancre. Wow! Voilà une petite douceur! Et il y avait deux pêcheurs locaux qui nous ont indiqué où était la marina (oui, oui, des pêcheurs nocturnes). Mais tout au long de notre navigation, Ghis a pensé à comment il pourrait remettre la mèche à sa place. Bien débrouillard mon capitaine! Nous discutons avec les hommes (en espagnol) et ils viennent voir à bord. Ghis leur demande s'ils ont un crique hydraulique pour les voitures. Ghis met le zodiac à l'eau et ils partent chercher l’outil miracle. Environ 1 heure plus tard, la mèche du safran est revenue à sa place; pas trop de 6 mains. Ces hommes nous sont apparus comme des Dieux! Nous cherchions nos mots pour les remercier; Gracias, Gracias, Gracias nous semblait bien suffisant.
Il est environ 2h30, nous décidons de reprendre la mer en direction de Cartagène; le faible vent annoncé permettra de soulager notre safran.
À mon levé, lorsque je viens prendre la relève à la barre de MYRIAM, les Five Bays m’apparaissent comme le calme après la tempête.
En mi-matinée, nous naviguons dans le Rio Magdelana où nous risquons de croiser nombreux billots de bois et autres détritus; ça demande une vigie en permanence.
Finalement, pas de billots de bois, seulement beaucoup de racines avec d’énormes feuillages.
Nous sommes arrivés à Cartagène dans la nuit du 20 octobre. Nos dernières heures de navigation se sont bien déroulées; pas trop de vent, une mer calme pour aider notre MYRIAM à avancer et permette un peu de repos à son équipage.
Tout au long de ces heures si longues, l’équipage de Chenou et le Réseau du Capitaine ont été d’un support inestimable. Aussi, nous avons reçu plusieurs mots d’encouragement de nos familles et amis. MERCI INFINIEMENT!
Si nous avons réellement pensé qu'il se pourrait que notre MYRIAM coule, aussi cruelle que cela puisse être, que notre rêve disparaisse si rapidement, nous avons aussi tenté de garder espoir et le moral, car une telle idée était trop difficile à envisager et il fallait continuer à avancer. Je crois que c’est un peu ça, l’instinct de survie!
Nous avions déjà prévu sortir le bateau de l'eau à Cartagène pour le carénage; nous allons réparer notre safran également, car notre réparation n'est que temporaire. Encore une voie d'eau s’infiltre à bord (environ 1 litre/minute).
Comment est-ce pu arriver??? Le boulon de retenue de la mèche du safran qui est censé être autobloquant s’est dévissé. Ce boulon faisant office de sécurité n’a jamais empêché la mèche de lâcher.
L’habitacle d’étanchéité entourant le safran a été brisé lors de l’incident par le poids et les efforts subis créant notre voie d’eau.
Voici une photo de notre safran à son extrémité. Nous pouvons y voir le boulon de retenue ainsi que l’ajout de la goupille que nous avons fait afin de remédier à la situation.
Nous avons enlevé notre safran afin d’évaluer l’étendu des dégâts.
En date d’aujourd’hui (24 octobre 2010), MYRIAM est sortie de l’eau depuis 3 jours et les travaux avancent bien (comme en témoignent les photos ci-dessus). La petite famille habite, pour toute la durée des travaux, dans une Villa en plein coeur de Cartagène. Cela agrémente grandement la qualité de vie de tous pendant l’exécution des travaux. Bien qu’un peu fatigué, le moral de l’équipage est bon.
Au plaisir de vous donner d’autres nouvelles!
Annie et l’équipage de MYRIAM